qu'attend-on de l'art ?

sens, beauté, ou les deux ?

le bog

1/18/20254 min temps de lecture

Nous sommes nombreux à nous exprimer sur David Lynch depuis son décès récent.

Il avait et il a beaucoup de fans. Autant il a et aura une influence certaine dans tous les milieux artistiques et ailleurs, autant il n’est pas La source d’inspiration de ce que je fais, mais il fait partie des centaines de personnes, d’évènements et de vies humaines qui m’influencent depuis que j’ai ouvert les yeux sur le monde.

L’annonce de sa mort a eu comme effet de rappel sa série phare Twin Peaks (que j’ai visionnée à 11 ans en Roumanie en VO brrrr, mais ça va! pas pire qu'un pote qui s'est maté tous les Pasolini à 12 ans), ses choix de collaboration musicale (Angelo !), quelques films comme Erasehead, quelques peintures (petits formats, je n’ai jamais eu l’occasion de voir les grands) et quelques photographies (aperçues à Berlin à la fondation H Newton où elle trônaient à côté de celles de Saul Leiter), et plus récemment une petite pensée pour le petit tour à Mulholland Drive avec mon épouse lors de notre lune de miel aux Etats-Unis.

J’ai rencontré David Lynch deux fois à Paris :

Par hasard, Rue André del Sarte au Silencio, je commençais à peine à me promener partout avec un appareil photo. Il m’aura servi malgré lui de parfait appât photo pour les jeunes femmes du club. Bien plus avides de photos que lui, elles posaient à fond en pensant que je les cadrais à côté de lui. David avait une proximité naturelle mais détachée qui lui donnait un air arrogant voire snobe, tout en étant empreint de curiosité et d’empathie. My type of guy.

Mais lui était chez lui, dans un de ses mondes, je n’ai fait que jouer au spectateur invité, j’étais juste venu avec un pote profiter de son monde sous-terrain parisien.

Ensuite par hasard aussi, rue du Montparnasse dans une galerie lors d’un vernissage de ses lithographies, quartier que j’ai toujours chéri et où, vivant tout près, je trainais beaucoup trop souvent chez des copains et des amis et différents autres lieux .

Il m’a demandé si j’arrivais encore à faire des photos de rue à Paris, et je lui ai répondu, comme je le répète depuis toujours, que la chose qui me chagrine ce sont les horribles voitures qui gâchent la plupart de mes tentatives. Et que je passais une grosse partie de mon temps soit à les éviter, soit à essayer péniblement de les intégrer d’une façon ou d’une autre. On a donc parlé voitures.

Nous nous sommes accordés sur la difficulté de créer sur le tas dans un monde de plus en plus inesthétique, quelque soit le type d’art. Et donc de la nécessité de créer des univers différents, détachés de l’espace-temps actuel. Là où l’art cinématographique y excelle. On a coupé la conversation après l’arrivée d’un petit groupe féminin qui faisait de l’œil, leur pression ne faisait que monter depuis quelques minutes. Elles étaient là pour lui, moi j’y étais par hasard. Et dans ce monde de plus en plus inesthétique, la présence des femmes devait l’être, pour lui, comme pour moi, dans l’immédiat, plus que salutaire.

J’ai continué, jusqu’à la période Covid, sans jamais le recroiser, mes sorties nocturnes dans ce que je considère être une des dernières voitures modernes pourvues de belles lignes (une SL des 90’s). En espérant parfois de tomber, à l’image d’Ettore Scola & Federico Fellini dans les rues de Rome des 60’s, sur des personnages qui m’inspireraient pour des photos. Mais jamais recroisé David Lynch. J’ai parfois dû marcher sur un de ses mégots écrasés rue Montparnasse.

Il y a certainement plus des mégots écrasés par les artistes dans les rues de Montparnasse que de noms d’artistes dans les étoiles de Holywood Blvd à Los Angeles.

David Lynch boy lights fire
David Lynch boy lights fire

“Boy Lights Fire,” David Lynch, 2010 .

Collection Bonnefantenmuseum

En guise de conclusion :

“I don’t know what I want to say to people. I get ideas and I want to put them on film because they thrill me. You may say that people look for meaning in everything, but they don’t. They’ve got life going on around them, but they don’t look for meaning there. They look for meaning when they go to a movie. I don’t know why people expect art to make sense when they accept the fact that life doesn’t make sense”

déclarait Lynch le 20 aout 1989 interviewé pour un article dans le Los Angeles Times

https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1989-08-20-ca-1327-story.html

Que l’on soit partisan ou non de la création d’un art qui, selon la façon dont vous le regardez, peut ou non avoir un sens, l’un des principaux objectifs de l’art de Lynch (et d’autres parmi nous) est d’être provocateur, de déstabiliser, de produire un élément d’inquiétude et, surtout, de faire réfléchir le public.

L’imprévisibilité artistique nous oblige à réfléchir, nous oblige à affronter le fait que nous devons donner un sens à notre vie là où nous pouvons le trouver. Elle nous rappelle que, dans cette existence, presque tout peut arriver.

En conclusion s’il y a une chose qu’on devrait attendre de l’Art, c’est l’existence de bons Artistes.

Peut-être de la même façon que de la justice on attend toujours les meilleurs avocats et juges, de l’économie les meilleurs économistes et les meilleurs entrepreneurs et de la recherche les meilleurs chercheurs.

Donc pour répondre à la question :

de l’Art, on attend avant tout les meilleurs Artistes.

et qu'attend-on de ces derniers ? comme partout, ce qui va avec : les meileures compétences. Et si cette condition est satisfaite, la beauté continuera d'habiter le monde de l'Art.

Dans un prochain billet de blog, j’essaierai de couvrir le sujet suivant : qu’attend-t-on d’une œuvre d’art ?

NEW YORKER DAVID LYNCH AND GOD
NEW YORKER DAVID LYNCH AND GOD

"O.K., but who really killed Laura Palmer?"

& The New Yorker